LE gouvernement entend aller plus loin dans la lutte contre l’insécurité
routière. A compter du 1er octobre, aux termes d’un décret paru hier
au Journal officiel, les conducteurs impliqués dans un accident
mortel feront l’objet d’un dépistage systématique des stupéfiants,
comme c’est le cas pour l’alcool. Car « il n’y a jamais d’excès
de prévention », souligne le ministre délégué à la Santé,
Bernard Kouchner.
Selon les chiffres de la sécurité routière, près de 9 500 conducteurs
sont impliqués tous les ans dans des accidents mortels en France. Et « chaque
année, 160 000 personnes sont blessées sur les routes ». Avec ce décret,
a précisé le ministre, « nous franchissons une étape supplémentaires
dans le domaine de la santé publique ».
Le texte concerne notamment le dépistage systématique
du cannabis, des amphétamines, des opiacés et de la cocaïne. Autant de
substances dont la consommation est en progression dans l’Hexagone.
Deux
tests
Par son
application, les pouvoirs publics espèrent savoir si la conduite sous
l’emprise de drogues multiplie par deux, cinq, dix fois ou plus le
risque d’accident. « Une étude restait à conduire pour élaborer
le dispositif spécifique mis en place. Elle le sera sous la responsabilité
de l’Office français des drogues et des toxicomanies », a expliqué
le ministre des Transports, Jean-Claude Gayssot.
« Cette étude, dont nous aurons les résultats dans deux ans,
permettra de connaître l’impact des stupéfiants et de déterminer des
sanctions spécifiques. Cette bataille concerne la jeunesse. Il faut la
gagner. »
Si le conducteur est en vie, un test urinaire sera ainsi pratiqué à la
demande des officiers et agents de police judiciaire. Si ce test se révèle
positif, il sera complété par une analyse de sang. Tout
refus de collaboration rend passible de deux ans de prison et de 30 000 F
(4 573,50 E) d’amende.
En cas de décès du conducteur, seul le prélèvement sanguin sera
effectué, et les résultats seront transmis au parquet.
Plus
difficile que l’alcool
Le seuil
limite à ne pas dépasser n’est cependant pas encore défini, le dépistage
de stupéfiants étant infiniment plus complexe que celui de l’alcool.
Les produits sont en effet nombreux, et parfois pris de façon associée.
En outre, les quantités consommées et présentes dans les liquides
organiques sont faibles, sans compter que la vitesse d’élimination
varie avec les produits.
A cela, les spécialistes ajoutent que les interférences avec des
produits licites ayant les mêmes effets (méthadone ou médicaments
contenant de la codéine) sont largement possibles. Sans compter qu’un
test « positif » ne permettra pas systématiquement d’affirmer que la
personne était encore sous l’emprise de la substance consommée au
moment de l’accident.
Reste que la mesure s’avère nécessaire. Si l’alcool est impliqué
dans environ 30 % des accident mortels de la route, on évalue entre 7
et 17 % le taux d’accidents mortels dans lesquels une drogue illicite
est impliquée. Plus d’une personne sur cinq (21 %), parmi les
12-75 ans, déclare avoir consommé du cannabis au moins une fois dans sa
vie. Chez les jeunes, 33 % des garçons de 19 ans disent avoir un usage répété
de cannabis (au mois dix fois au cours de l’année), et 16 % d’entre
eux ont une consommation intensive (20 fois et plus au cours du mois).
Les sanctions prévues par la loi figurent dans l’article L.3421-1 du
nouveau code de la santé publique, qui punit d’un
an d’emprisonnement et de 25 000 F (3 811,23 E) d’amende
l’usage illicite de stupéfiants.