ARTICLE DE LA VOIX DU NORD - 29 AOUT 2001

La mesure, annoncée hier, de dépistage systématique en cas d’accident mortel sur la route, vise en particulier les jeunes
La drogue au volant traquée, comme l’alcool

LE gouvernement entend aller plus loin dans la lutte contre l’insécurité routière. A compter du 1er octobre, aux termes d’un décret paru hier au Journal officiel, les conducteurs impliqués dans un accident mortel feront l’objet d’un dépistage systématique des stupéfiants, comme c’est le cas pour l’alcool. Car « il n’y a jamais d’excès de prévention », souligne le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner.
Selon les chiffres de la sécurité routière, près de 9 500 conducteurs sont impliqués tous les ans dans des accidents mortels en France. Et « chaque année, 160 000 personnes sont blessées sur les routes ». Avec ce décret, a précisé le ministre, « nous franchissons une étape supplémentaires dans le domaine de la santé publique ».
Le texte concerne notamment le dépistage systématique du cannabis, des amphétamines, des opiacés et de la cocaïne. Autant de substances dont la consommation est en progression dans l’Hexagone.


Deux tests
Par son application, les pouvoirs publics espèrent savoir si la conduite sous l’emprise de drogues multiplie par deux, cinq, dix fois ou plus le risque d’accident. « Une étude restait à conduire pour élaborer le dispositif spécifique mis en place. Elle le sera sous la responsabilité de l’Office français des drogues et des toxicomanies », a expliqué le ministre des Transports, Jean-Claude Gayssot.
« Cette étude, dont nous aurons les résultats dans deux ans, permettra de connaître l’impact des stupéfiants et de déterminer des sanctions spécifiques. Cette bataille concerne la jeunesse. Il faut la gagner. »
Si le conducteur est en vie, un test urinaire sera ainsi pratiqué à la demande des officiers et agents de police judiciaire. Si ce test se révèle positif, il sera complété par une analyse de sang. Tout refus de collaboration rend passible de deux ans de prison et de 30 000 F (4 573,50 E) d’amende.
En cas de décès du conducteur, seul le prélèvement sanguin sera effectué, et les résultats seront transmis au parquet.


Plus difficile que l’alcool
Le seuil limite à ne pas dépasser n’est cependant pas encore défini, le dépistage de stupéfiants étant infiniment plus complexe que celui de l’alcool. Les produits sont en effet nombreux, et parfois pris de façon associée. En outre, les quantités consommées et présentes dans les liquides organiques sont faibles, sans compter que la vitesse d’élimination varie avec les produits.
A cela, les spécialistes ajoutent que les interférences avec des produits licites ayant les mêmes effets (méthadone ou médicaments contenant de la codéine) sont largement possibles. Sans compter qu’un test « positif » ne permettra pas systématiquement d’affirmer que la personne était encore sous l’emprise de la substance consommée au moment de l’accident.
Reste que la mesure s’avère nécessaire. Si l’alcool est impliqué dans environ 30 % des accident mortels de la route, on évalue entre 7 et 17 % le taux d’accidents mortels dans lesquels une drogue illicite est impliquée. Plus d’une personne sur cinq (21 %), parmi les 12-75 ans, déclare avoir consommé du cannabis au moins une fois dans sa vie. Chez les jeunes, 33 % des garçons de 19 ans disent avoir un usage répété de cannabis (au mois dix fois au cours de l’année), et 16 % d’entre eux ont une consommation intensive (20 fois et plus au cours du mois).
Les sanctions prévues par la loi figurent dans l’article L.3421-1 du nouveau code de la santé publique, qui punit d’un an d’emprisonnement et de 25 000 F (3 811,23 E) d’amende l’usage illicite de stupéfiants.