Les utopies énergétiques pour les transports routiers :
Alibi politique, infantilisation du citoyen ou lendemains qui chantent ?

L'objet de cette page est de tordre le cou aux idées reçues en matière d'énergies de substitution au pétrole pour les transports routiers.

Le pétrole fournit 94% de l'énergie du secteur des transports, secteur constituant le plus gros contributeur au dérèglement climatique avec 27% des émissions de gaz à effet de serre.

GPL, gaz naturel, hydrogène-pile à combustible, moteur hybride, biocarburants, solaire photovoltaïque, charbon propre, voiture électrique, moteur Pantone, ... autant de pistes plus ou moins prometteuses, plus ou moins sérieuses, qui, hélas, adoptées séparément ou conjointement, ne semblent pas en mesure de relever, seules, les deux principaux défis que devra relever l'humanité dans les décennies à venir :

bulletla substitution au pétrole, et autres énergies fossiles, en voie d'épuisement ;
bulletla réduction par quatre des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 pour limiter l'ampleur du dérèglement climatique.

Démonstration ci-dessous avec le cas de l'hydrogène associée à la pile à combustible. Pour les autres solutions "miracle", voir ICI.

Le couple hydrogène-pile à combustible : la solution miracle ?

Souvent présentée comme LA solution au prétexte que l'hydrogène est inépuisable et non polluant, rappelons-en l'obstacle majeur : l'hydrogène n'est pas une source d'énergie mais un vecteur. En effet, l'hydrogène n'existe pas sur Terre à l'état d'élément. Il est associé, soit à l'oxygène dans l'eau (H20), soit au carbone et/ou l'oxygène dans les hydrocarbures. Et c'est là qu'est l'os, hélas !

Pour extraire l'hydrogène des hydrocarbures, il faut des hydrocarbures. Ah, mince ! C'est justement ce qu'il va nous manquer et en outre le processus conduit à rejeter du CO2 dans l'atmosphère. Envisageons donc la seconde source : l'eau.

Pour extraire l'hydrogène de l'eau, il faut de l'énergie. Laquelle ? Gardons pour l'instant le pétrole pour rouler. Reste le charbon ou le gaz naturel, là moins de problème de ressources . . . à l'horizon du demi-siècle minimum. Oui...mais, le CO2 dans l'atmosphère ? Ah ouais ! Et avec l'énergie électrique ? Là, pas de gaz à effet de serre ! Ben tout dépend comment on produit l'électricité : éolien, photovoltaïque, biomasse ? Gisements et espaces largement insuffisants pour satisfaire à la fois les usages spécifiques de l'électricité et les transports. Nucléaire ? Dans l'état actuel, outre qu'il reste dangereux (Tchernobyl) et génère des déchets, le nucléaire n'est pas renouvelable : il reste 70 ans d'uranium au rythme actuel de consommation correspondant à...moins de 6% de l'énergie mondiale consommée. À moins de compter sur une rupture technologique dans ce domaine (réacteurs de 4e génération ?). Peu d'espoir d'une réalisation industrielle avant 2030-2035.

Mais, soit, soyons optimiste : passons outre les différentes difficultés non évoquées ici d'utilisation de l'hydrogène (transport, distribution, stockage, ...) et imaginons la voiture à hydrogène, associée à une pile à combustible (meilleur rendement), au point pour un coût raisonnable comparée à d'autres technologies éprouvées (diesel "propre") ou émergentes (hybride). Tenant compte du rendement global de l'opération, à quelle réduction d'émissions de gaz à effet de serre cela nous conduit-il à l'horizon de 2060 ?

Piles à combustibles, hybrides à carburants fossiles, carburants de substitution : quel bilan en 2060 ?

Comme nous venons de le voir, la propulsion des véhicules au carburant hydrogène est une technologie prometteuse mais semée d'embûches. Cependant, à terme, sur la base d'hypothèses plausibles, quel en serait l'apport ?

L'exercice, périlleux, a été effectué par Stéphane His de l'IFP (cf. "Quelles alternatives énergétiques à moyen et long terme ?", Revue de l'énergie, février 2004.). S'appuyant sur un scénario de croissance des trafics routiers de passagers et de marchandises mondiaux à l'horizon 2060 (principales caractéristiques indiquées dans le tableau ci-dessous), il compare les conséquences énergétiques et environnementales de la pénétration de différentes technologies en rupture (piles à combustibles, hybrides à carburants fossiles, carburants de substitution, ...) par rapport à l'évolution « au fil de l'eau » (amélioration progressive des performances des moteurs sans rupture technologique) des technologies actuelles.

L'évolution de la demande de transports est fondée sur une extrapolation des tendances observées ces dernières années, c'est à dire sans politique volontariste de maitrise des déplacements routiers.

La pénétration mondiale envisagée des technologies en rupture est très volontariste : à partir de 2020, leur rythme est analogue à celle du diesel au cours des 30 dernières années. Dans ces conditions, en 2060, 40 % des parcs mondiaux de voitures et de camions relèvent de ces technologies nouvelles. Le tableau ci-dessous décrit les conséquences de ces stratégies pour quelques-unes des technologies étudiées, dont la pile à combustible (PAC), à l'horizon 2060.

Premier constat : en 2060, dans le meilleur des cas, la différence entre une technologie de rupture (hybride) et la technologie traditionnelle (diesel), est de l'ordre de 10 %, aussi bien en consommation d'énergie qu'en émissions de gaz à effet de serre.

Deuxième constat : l'énergie consommée et les émissions de gaz à effet de serre connaissent un ACCROISSEMENT d'un FACTEUR 4. Nous sommes donc à l'opposé de la nécessaire REDUCTION d'un FACTEUR 4 de nos émissions de gaz à effet de serre. Bonjour le dérèglement climatique ! La technologie seule, sauf miracle, n'est donc pas à même de rendre soutenables nos modes de déplacement, si maintenus dans les pays industrialisés et généralisés à l'ensemble de l'humanité.

Malgré leur utilité avérée, la science et l'industrie ne sont pas à même, à elles seules, de sauver l'Humanité. Même J.W. Bush, qui arguait de l'émergence de prochaines ruptures technologiques pour refuser le protocole de Kyoto, vient de l'admettre (discours du 2 février 2006).

Il nous FAUT donc envisager rapidement autre chose que des couloirs à camions tel l'autoroute A24 !!!

Bibliographie :

"La civilisation hydrogène : mythe ou réalité ?", Benjamin Dessus, ingénieur-économiste au CNRS, directeur de recherche du programme Ecodev, pp.8-12 de "Les utopies technologiques : Alibi politique, infantilisation du citoyen ou lendemains qui chantent ?", Les Cahiers de Global Chance, N°20, février 2005. Document consultable sur le site : http://www.agora21.org, rubrique Bibliothèque, Éditions sur Agora 21.

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