La pollution atmosphérique urbaine aurait causé
de 6500 à 9500 morts en 2002

LE MONDE | 06.05.04 | 14h02  •  MIS A JOUR LE 06.05.04 | 15h55

Dans deux rapports, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale estime qu'une réduction des particules émises par les automobiles permettrait d'éviter des milliers de décès.

En 2002, de 6 453 à 9 513 personnes âgées de plus de 30 ans sont décédées du fait d'une exposition à la pollution par les particules fines (d'une taille inférieure à 2,5 microns), émises notamment par les automobiles. Les experts de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse) avancent cette évaluation dans un premier rapport sur l'impact sanitaire de la pollution atmosphérique urbaine, qui vient d'être mis en ligne sur le site www.afsse.fr. Ce document s'accompagne d'un second rapport, visant à étudier des mesures "de nature à contribuer à la poursuite de la réduction des émissions de polluants et des expositions de la population en milieu urbain". L'ensemble s'inscrit dans la préparation du Plan national santé environnement annoncé en 2003 par Jacques Chirac.

Dans la population âgée de plus de 30 ans, en 2002, de 670 à 1 117 cancers du poumon pourraient être attribués à cette pollution, selon les hypothèses d'exposition retenues. Cela représenterait de 6 % à 11 % des cancers du poumon. Dans le domaine de la mortalité cardio-vasculaire, la "classe la plus touchée correspond aux sujets de 70 ans et plus (6 % des décès de cette catégorie). Chez les plus de 30 ans, le nombre de décès d'origine cardio-vasculaire attribuables à la pollution est compris entre 3 334 et 4 876, selon les différents niveaux d'exposition."

A partir de ce constat, les experts de l'Afsse ont entrepris une démarche prospective, visant à apprécier l'évolution de cet impact sanitaire, en fonction de trois scénarios de réduction du niveau ambiant : "minimum exigible", "progressif" et "volontariste". En choisissant l'hypothèse la plus contraignante et le niveau d'exposition le plus faible (4,5 microgrammes de particules fines par mètre cube d'air), le premier rapport indique que le nombre annuel de décès par cancer du poumon dus à la pollution pour les plus de 30 ans passerait de 670 en 2002 à 575 en 2010, puis à 335 en 2020. Si l'on considère un niveau d'exposition plus élevé : le nombre de décès passerait de 1 117 en 2002 à 962 en 2010 et à 569 en 2020).

L'évolution est également décroissante pour la mortalité cardio-vasculaire. Dans l'hypothèse d'exposition basse, elle passerait de 3 334 à 2 828 en 2010, puis à 1 622 en 2020. Dans l'hypothèse d'exposition élevée, la mortalité cardio-vasculaire serait également divisée par deux d'ici à 2020.

A supposer que les impacts annuels de la pollution diminuent de manière linéaire, l'Afsse estime que le nombre cumulé de décès de personnes de plus de 30 ans dus aux particules fines sur la période 2002-2020 oscillerait de 10 000 à 16 000 pour les cancers du poumon et de 49 000 à 73 000 pour la mortalité cardio-vasculaire. En prenant les mêmes hypothèses, les experts estiment qu'entre 2 700 et 4 400 morts par cancer du poumon et entre 14 000 et 20 000 décès d'origine cardio-vasculaire seraient évitables.

Des chiffres qui font dire à l'Afsse que si "les niveaux de pollution particulaires dans nos villes, aujourd'hui, sont relativement faibles en regard des objectifs de l'Union européenne. Pour autant, les données scientifiques actuelles donnent à considérer cette pollution comme étant encore à l'origine d'un nombre de décès attribuables important". Les experts estiment que "le gain sanitaire estimé de la poursuite - voire du renforcement - de la politique de réduction de la pollution atmosphérique est substantiel, de plusieurs milliers de décès potentiellement évitables, ce qui permet d'apprécier l'ampleur des efforts qu'il conviendrait de poursuivre dans un objectif de santé publique".

C'est précisément dans cette optique qu'a été rédigé le second rapport, qui a donné la priorité aux mesures de réduction de la pollution due aux particules, au benzène, à l'ozone et à ses précurseurs, et au gaz carbonique.

A côté des mesures déjà mises en œuvre, prévues ou inscrites dans la réglementation, les experts de l'Afsse proposent par exemple d'"accélérer l'équipement de tous les véhicules lourds en filtres à particules (FAP) et de promouvoir cet équipement en première monte sur tous les véhicules légers". Ils avancent également "une mesure centrale, sur le développement des transports en commun des personnes à haute qualité de service, et sur le développement, sécurisé, de la marche et du vélo".

Le second rapport "propose donc de poursuivre, en accélérant sa mise en œuvre, le partage de la chaussée dans toutes les agglomérations urbaines. Cela exige, d'une part, de ne pas oublier la périphérie au seul profit du centre-ville et, d'autre part, de veiller à la qualité environnementale des modes de transport envisagés". Il invite l'administration, "par son indispensable exemplarité" à développer les "plans de déplacement d'entreprise", qui comportent une offre de stationnement sur le lieu de travail, et à agir de même pour le transport de marchandises en ville.

Parmi les mesures avancées à l'égard des sources de pollution mobiles, figure celle "vivement recommandée" de "fixer des valeurs d'objectifs d'émission nettement plus faibles pour les particules", ce qui "rendrait en pratique le FAP indispensable sur les véhicules à moteur diesel".

Paul Benkimoun

 ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 07.05.04