Auto non coupable mais responsable ?
Dans notre édition de mardi, prêchant pour leur chapelle, les responsables
de l'Automobile-Club
du Nord de la France signalaient que, depuis 1995, dans le ciel de la
métropole, la pollution atmosphérique par le plomb avait régressé de 80 %, par
le dioxyde de soufre de 58 %,par le monoxyde de carbone de 51 %, par les
particules de 35 %. Et ce, alors que le parc automobile progresse d'année en
année. De là à conclure qu'il faut rouler en voiture pour purifier l'air...
A l'AREMA Lille Métropole, dont les analyses de l'air ont servi de référence
au bilan de l'Automobile-
Club, on ne partage pas tout à fait ce point de vue optimiste, même si on ne
conteste pas la véracité
des chiffres avancés.
Des valeurs limites dépassées Isabelle Sagnier, de l'AREMA, considère ainsi
que si les améliorations
techniques des moteurs ont contribué à la diminution significative de
certaines émanations polluantes, le dioxyde de carbone (le fameux CO2 à
l'origine de l'effet de serre) progresse, de même que le dioxyde d'azote en
augmentation en 2000, 2001 et 2002 (les valeurs limites horaires et annuelles
sont dépassées sur plusieurs stations d'analyse).
« Sur la métropole lilloise, 75 % du monoxyde de carbone, du monoxyde d'azote
et des oxydes d'azote sont produits par les transports. Les progrès réalisés
sur les moteurs sont gommés par l'augmentation du trafic et par une
utilisation de la voiture à vitesse réduite sur de courts trajets. De sérieux
efforts restent à consentir pour respecter les valeurs limites de protection
de la santé humaine applicables en
2010 (actuellement dépassées dans cinq des dix-neuf stations d'analyse de
l'air) », lit-on ainsi dans le
rapport de l'AREMA de mai-juin.
23km/h de moyenne...
Le pot catalytique qui permet de réduire les émanations de certains
polluants aurait même tendance à
faire progresser le taux de CO2. Il faut également considérer que la vitesse
moyenne sur la métropole
n'est que de 23 km/h, que les émissions de polluants sont plus importantes en
deçà de 30 km/h et au-delà
de 80 km/h.
Il faut également considérer que, entre 1987 et 1998, les déplacements en
voiture ont progressé de
près de 34 % et que l'on estime que le parc automobile régional devrait
augmenter de 35 % d'ici 2010
pour comprendre que, n'en déplaise à l'ACNF, nos poumons ont encore bien du
souci à se faire...
Notes de Hervé Dizy:
Il est possible de justifier ce que l'on veut en utilisant certaines données et
en prenant bien soin de pas révéler ce qui peut nuire à son discours. Voltaire
nous l'a magnifiquement montré dans ses oeuvres. Ainsi l'Automobile Club est
prise en flagrant délit de manipulation des opinions. Si la pollution a régressé
dans la métropole c'est parce que les industries polluantes sont parties
ailleurs. La pollution est moins soufrée mais plus azotée (rapport parlementaire
«Villes : un air trompeur»
par Annette
Peulvast
—
Bergeal
), la faute aux moteurs à combustion des automobiles et des camions.
L'Automobile Club a perdu une occasion de se taire! S'il est un message qu'il
faut faire passer c'est celui du changement de comportement. Une conduite
agressive fait consommer 30% de plus, c'est autant de pollution supplémentaire
et d'accidents stupides que l'on pourrait éviter. Certains citent la propreté
future des moteurs mais nous ne devrions pas attendre passivement le progrès,
prenons nous nous-même en charge.