Transports routiers :
69 « défaillan
ces d'entreprises » depuis le début de l'année

« Au bord du gouffre ». Outre la flambée des prix du gazole, la TLF(*) dénonce des charges sociales et fiscales qui plombent la compétitivité des transporteurs. Plaidant pour une harmonisation européenne accélérée, certains patrons menacent de licencier ou de délocaliser.

(*) TLF : Fédération des entreprises de Transport et Logistique de France, une des trois fédérations professionnelles du secteur du transport, aux côtés de la FNTR (Fédération nationale des transporteurs routiers) et de l'Unostra (Union nationale des organisations des transporteurs routiers automobiles).  Dans la région, elle représente 230 entreprises.

Le nombre de défaillances d'entreprises au cours de l'année 2003 a augmenté de plus de 15 % par rapport à 2002 et, d'après les informations que nous pouvons avoir aujourd'hui, le taux sera encore supérieur en 2004 ». Serge Dochez, président TLF Nord, s'est alarmé
hier de la « situation catastrophique » du transport routier en France. Dans la région, sur les huit premiers mois de l'année, 69 entreprises de transport ont fermé leurs portes, sur les 3.012 en activité au premier janvier 2004, soit un taux de « défaillance d'entreprises » de 2,29 %. « En 2004, l'évolution du nombre d'emplois de chauffeurs routiers est de -0,5 %. C'est la première fois que ce chiffre est négatif, c'est un signal particulièrement grave », affirme Alain Boutet, secrétaire général de TLF Nord.

En première ligne sur le front de l'augmentation des prix du pétrole, les transporteurs routiers ont cependant bénéficié d'une série de mesures de la part du gouvernement. Un « Indice gazole » devrait ainsi être mis en place fin octobre pour donner aux entreprises une référence de l'évolution des coûts qu'elles pourront répercuter dans leurs négociations tarifaires avec leurs clients. Le 8 septembre dernier, Gilles de Robien, ministre de l'Equipement et des Transports, a également annoncé que 'les entreprises profiteraient d'un dégrèvement rétroactif sur la taxe professionnelle, à hauteur de 244 € par camion et par an pour l'année 2004 (.montant qui devrait être porté à 366 € pour l'année 2005). Enfin, les Directions Régionales de l'Equipement ont ouvert des guichets pour les entreprises les plus en difficulté, qui peuvent y demander le report de leurs échéances fiscales et sociales.

« Mesurettes »

« Des mesurettes ». dénonce Serge Docile:, qui affirme que « de nombreuses entreprises se retrouvent au bord du gouffre ». Pour le président de TLF, il y a eu un « mélange des genres : l'ensemble des négociations que nous menions depuis des mois sur le volet social et fiscal s'est désormais reporté sur le phénomène pétrolier ». Pour les chefs d'entreprises réunis à la Cité des échanges, l'augmentation des prix du gazole, pour signifiante qu elle soit, n'est « qu'un phénomène conjoncturel ». « Nous n'attendons pas du gouvernement qu'il développe nos entreprises, mais nous avons de trop grandes différences avec nos concurrents des pays de l'Est », lâche PhiLippe Balaire. directeur de TSA, qui compte 200 camions sur Saint-Omer. « Un
chauffeur français coûte 2.700 € par mois, tandis qu'un Polonais ne coûte que
980 », résume rapidement ce chef d'entreprise qui explique par ailleurs que « les charges qui pèsent en France nous obligent à développer nos entreprises à l'extérieur : si demain nous sommes poussés à délocaliser, nous serons déjà organisés... ».

« En cumulant les hausses de salaire depuis 98, on parvient à près de 25 % pour les personnels routants français », explique Alain Boutet. Alors qu'en France, les personnels roulants travaillent 48 heures par semaine, dans lesquelles sont comprises les heures d'attente pour le chargement et de pause, les règîes européennes fixent le temps de travail à un maximum de 56 heures par semaine, le décompte ne prenant en compte que le temps passé sur la route, « le temps productif », selon TLF. « Des directives gouvernementales sur l'aménagement du temps de travail devraient gommer en partie ce différentiel », reconnaît Serge Dochez, qui demande cependant un alignement complet sur les normes européennes au nom du gain de flexibilité dans la gestion des salariés. Sur le plan fiscal, la TLF exige également l'alignement des taxes françaises
sur la moyenne européenne (pays nouvellement entrés non compris dans la moyenne) : la taxation sur le gazole, qui s'élève à 41,69 centimes d'euro en France, est de 36,9 centimes d'euro au niveau européen. Si ces doléances n'étaient pas prises en compte par le gouvernement, Serge Dochez prévient ; « Demain, il y aura autant de camions sur les routes, mais de moins en moins de chauffeurs français ».

Ma. Mil.

« Nous avons de plus en plus de mal à contrôler nos entreprises, qui sont de plus en plus nerveuses, voire agressives », lâchait hier Serge Dochez, président de TLF.

(Photo Arch. Ludovic
Maillard)