Le fret déraille à la SNCF

mis à jour le 20.03.06 (actualisation des chiffres et déclarations) -> infos de Bruno Catiau
les grands clients industriels ne s'y retrouvent plus: tout est fait pour les dégoûter du rail. Le plan de "redressement" du rail est en fait un plan d'extermination du fret ferroviaire.

La SNCF est le premier transporteur routier français via ses filiales, pourquoi voulez-vous qu'elle s'embête à utiliser le rail quand la route coûte moins cher et est plus souple? Si la SNCF, elle même, ne croit plus au fret ferroviaire, qui pourra y croire?

Cela repose la question sur le devenir d'un monopole qui ne veut pas évoluer et force à recourir au tout routier. Est-il normal de subventionner à hauteur de 13.000.000.000 d'euros un service public? Pour le transport de voyageurs certainement, pour le fret c'est beaucoup moins sûr.

Quelques chiffres:

FRET SNCF, UNE ACTIVITÉ À LA DÉRIVE : 1,83 milliard d'euros de chiffre d'affaires 389 millions de déficit en 2002

268 millions de déficit au premier semestre 2003

Quelques infos de "la vie du rail" datée du 22/02/2006 n°3039 page 6 :
 
pertes de l'activité FRET SNCF 
2003 : - 453 millions d'euros !!!
2004 : - 385 millions d'euros !!!
2005 : - 253 millions d'euros !!!
2006: ????

18.000 conducteurs de locomotives travaillant indifféremment pour les voyageurs et pour le fret

Une longue érosion au profit du fret routier

LA PART DE MARCHÉ DU FRET FERROVIAIRE conventionnel atteint péniblement 20%, contre 46% en 1974.

A partir de 2006 , la SNCF devrait repartir à la "reconquête" (de ce qui a été perdu ou plutôt abandonné ? ! ) avec une augmentation de trafic estimée à + 8%. Le hic est qu'en perdant 10% de parts de marché d'un marché qui progresse pour rattraper le retard l'augmentation de trafic devrait être du double. (exemple -10% de base 100 donne 90 - le total marché passe à base 105 donc écart de 15 à rattraper soit 16,7% en plus)
 
Un rappel : le trafic de FRET SNCF en 2005 a été de 40 MILLIARDS DE TK soit à la limite du seuil de survie économique (selon les experts économiques...)
Mais ce qui est révélateur , c'est le propos suivant tenu par Louis GALLOIS: "aucun trafic fret ferroviaire national ne dégage de modèle économique équilibré"!

Le déclin s'est produit et profite presque exclusivement à  la route, qui accapare 75% du gâteau, contre environ 5 % pour les voies navigables - la part des voies fluviales et des oléoducs ne varient presque pas depuis trente ans. En 1985, le fer transportait encore 50 milliards de tonnes-kilomètres et la route, 125. Aujourd'hui selon le syndicat Sud-rail, le fret routier a doublé et le ferroviaire est tombé à 35,5 milliards de tonnes-kilomètres. Tout fret perdu par le rail c'est de la pollution supplémentaire. Un seul train transporte l'équivalent de 50 camions.

Le seul avenir du fret  ferroviaire passe par l'Europe !
Le "hic" est que la concurrence avec les nouveaux entrants ferroviaires et surtout avec les routiers des ex pays de l'Europe de l'Est est de plus en plus "mordante"!

La SNCF promet des améliorations. C'est vrai qu'à ce stade tomber plus bas ce serait une bonne raison de forcer au dépôt de bilan pour gaspillage de fonds publics (13.000.000.000 d'euros de subventions!)

Chez un client de la SNCF, Vallourec n°1 mondial des tubes d'acier, c'est la consternation, la colère même: « La SNCF nous perd régulièrement des trains de marchandises entiers, environ un par mois, enrage-t-il. Chacun de ces trains compte 35 wagons remplis de tubes d'acier. Evaporés! Ils partent bien de notre usine normande, en direction du port d'Anvers, en Belgique, mais, après, on ne sait pas ce qu'ils deviennent. Ils se perdent en Picardie, disparaissant plusieurs jours. Pour nous, c'est le triangle des Bermudes. Et la SNCF est bien incapable de nous dire où ils sont passés. En temps normal, ces trains devraient mettre une journée pour arriver au port. »

Ce cas n'est pas isolé, Arcelor a fait partir un train de son usine sidérurgique de Dilling, dans la Sarre, en Allemagne, dans la première quinzaine de décembre, et il n'est arrivé que trois semaines plus tard dans le centre de la France. Dans le concept de flux tendu, ceci est impensable, du coup les entreprises ont recours à la route, c'est inévitable.

 

Sur le graphique le plan Verron prévoit (en bleu) de redresser la barre mais nous constatons sur le terrain une autre réalité.

La part du marché de fret ferroviaire (hors combiné rail-route) est en perdition: en 1974 la SNCF avait 46% du marché, en 1994 la part fondu à 20% quand dans le même les volumes se sont fortement accrus en quantités. La route représente en 2006 plus 75% du marché. En 1985 la SNCF acheminait 50 milliards de tonnes-kilomètres quand la route en transportait 125.

 

Des tarifs à la hausse qui étonne tout les clients. Mais, ce qui stupéfie plus encore les clients, c'est d'avoir vu les commerciaux du fret.  Didier Leandri, secrétaire général de l'AUTF dénonce en fin 2003 « la SNCF a augmenté ses tarifs de 3% à 20-30%, avec des pics ciblés à 200-300%! ». Il y a des industries qui dépendent tellement du fret pour survivre que leurs patrons « sont intervenus auprès de Louis Gallois, PDG de la SNCF, pour faire prendre conscience de cette "prise d'otages" et de ses conséquences ».

La qualité baisse mais les prix montent! Pour Didier Leandri « il a été demandé aux chargeurs de payer à l'avance pour des résultats hypothétiques ». Les systèmes de commande et de suivi ne fonctionnent pas même pas, tout le monde est en colère. Les lamentations d'Olivier Lamy, délégué de direction d'In Vivo,l'union des coopératives agricoles, n'y font rien: « Il arrive fréquemment qu'une commande passée deux mois à l'avance nous soit refusée ou acceptée cinq jours avant le chargement, voire la veille » .

La qualité du service est actuellement catastrophique. Les locomotives Fret ne circulent que quatre heures par jour en moyenne, et leurs conducteurs sont cinq ou six à se relayer pour effectuer des trajets inférieurs à 300 kilomètres ! « C'est comme si pour aller en taxi du centre de Paris à la gare de Lyon, vous changiez cinq fois de chauffeur! »

Les entreprises utilisatrices finissent par perdre des clients à cause de l'incurie  de la SNCF. 

Ce sont des départs de bateaux ratés mais qui doivent être payés car réservés (quand les produits ne sont pas là à temps, vous payez quand même l'emplacement à bord, ce qu'on appelle le "faux fret"), c'est de la marchandise qui n'arrive pas chez le client et qui oblige à payer des pénalités. Cela provoque des annulations de contrat, des pertes de clients.  De ce fait les entreprises ont presque renoncé à prendre rendez-vous avec les bateaux, elles mettent la marchandise à quai dès son arrivée pour la stocker en attendant le départ du prochain navire, ce qui induit des coûts supplémentaires.

Chez Atofina on impute à la SNCF la perte de compétitivité de leur entreprise. Ce qui me fait penser que pour entretenir par la perfusion des subventions un secteur public on condamne le secteur privé. 

 Beaucoup de grands utilisateurs ne veulent ni ne peuvent « plus croire au fret SNCF ». D'autres encore, ceux qui peuvent choisir la route, ont rayé le ferroviaire de leurs tablettes.

Les seuls à ne pas se plaindre sont ceux qui peuvent adopter la massification, tels Gefco (transport de voitures) ou Roquette et Amylum (amidonniers). Cela se comprend: ils parviennent à confier à la SNCF des flux massifs et réguliers pour des déplacements sur des axes principaux. Ce que la SNCF sait faire.

Pour quelques clients satisfaits, il y a une énorme majorité de clients maltraités! Il n'a fallu que quelques années pour en arriver à cette situation catastrophique: on ne peut que déplorer le je-m-en-foutisme de la SNCF qui survit grâce aux aides de l'Etat, les grèves quasi organisée par une direction qui provoquent sciemment des remous sociaux pour récupérer sur la route ce qu'il a perdu sur le rail (et on sait pourquoi). Le volume de fret traditionnel est passé de 41 milliards de tonnes-kilomètres en 2000 à 35,5 milliards de tonnes-kilomètres en 2003 .

Les finances sont désastreuses. Selon le rapport d'audit d'Accenture en 2003 « Les comptes du fret se dégradent mécaniquement de près de 90 millions d'euros chaque année ». L'année 2002 s'était déjà soldée par des pertes de 389 millions d'euros (pour 1,83 milliard de chiffre d'affaires). Et, rien qu'au premier semestre 2003, les
comptes auraient plongé à -268 millions d'euros, selon le syndicat Sud-rail.

La SNCF maintient cependant sa prévision de -326 millions pour 2004.

Il faut arrêter cette hémorragie, qui coûte très cher aux contribuables 

La SNCF reconnaît faire des erreurs mais continue sur la même lancée. On a beau lui répéter ces récriminations , rien n'y fait, du côté de la SNCF on admet mais on ne fait rien pour arranger le problème. C'est pire que de l'inertie c'est de la mauvaise volonté.

Le plan Fret 2006 (ou plan Véron, du nom du directeur du fret entré en fonctions en mai 2003) est censé tout révolutionner. c'est un programme de sauvetage qui est censé remettre le système du fret français sur les rails pour 2006 (???) . Il vise un gain d'efficacité globale de 20% en trois ans.
« le système d'exploitation est aujourd'hui totalement inadapté. Dès la fin 2004, certains trajets du fret seront traités avec des priorités renforcées, quitte à décaler certains trains de voyageurs». On attend toujours.

C'est l'intégralité du système qui est en jeu, jusqu'au changement d'horaires des 15000 trains circulant quotidiennement sur les 28000 kilomètres du réseau français. Selon ce plan, la SNCF s'engage à atteindre en 2006 l'équilibre financier, à réaliser une réduction de ses coûts et à offrir une réelle qualité de service. Fret SNCF devra faire des bénéfices dès 2007 et réorienter sa politique commerciale vers les trafics les plus rentables. Mais, déjà, nombre de gros industriels n'y croient plus. 

Concurrence de la route

Le "meilleur" exemple en est la perte d'un contrat avec TOYOTA ! Le trafic entre l'usine TOYOTA VALENCIENNES et la POLOGNE a été remporté par une société de transport routier POLONAISE !  Pourtant ce trafic était taillé pour le rail puisqu'il s'agissait d'acheminements entiers de voitures type "Yaris" ! (imaginez un conducteur assurant l'acheminement de plus de 400 voitures à lui seul !!!).
Eh bien le cheminot n'est quand même pas suffisamment "performant" face aux routiers polonais !!! 
C'est une autre réalité qui s'introduit désormais VIOLEMMENT dans notre quotidien !
Faudra t-il également que les cheminots français soient remplacés par des cheminots polonais !?

Hervé Dizy
 

Note: Les propos en vert sont de Bruno Catiau, cheminot , syndicaliste à l'UNSA fédération des cheminots , animateur de la commission environnement de l'UFC QUE CHOISIR LILLE et "petit" secrétaire de l'association VERLIN  VERS L'AUTRE (Verlinghem)

"Désormais le cheval de bataille des PDG des chemins de fer européens est "l'EUROVIGNETTE" !
Tout les efforts des compagnies ferrovaires sont vains si les distorsions de concurrence persistent !
Bref , si la VOLONTE des politiques de TOUS BORDS n'est pas présente , le rail est condamné à se marginaliser toujours un peu plus en attendant un très prochain choc pétrolier qui lui , sera VIOLENT et mettra tout le monde d'accord : "METTRE LES ALTERNATIVES FACE AU TOUT ROUTIER  ... ENFIN. !!!
Il sera peut-être un peu trop tard aussi et notre société n'y résistera pas ...!!! "