Le train Bloc, la solution alternative au transport routier

Réunion du 11 mars à la communauté urbaine de Lille

Avec M. Paul Astier, M. Jean-Louis Sehier, Monsieur Mathieu Bouche, Monsieur Hervé Dizy

Monsieur Paul Astier a désiré rencontrer un professionnel du transport, Monsieur Mathieu Bouche des transports Rouch à Tourcoing. Cette société est spécialisée dans le combiné rail- route.

Monsieur Paul Astier, vice-président de la communauté urbaine de Lille en charge du PDU, est assisté par M. Jean-Louis Séhier, ingénieur de la communauté urbaine de Lille. Le monde du transport est très cloisonné, il est donc difficile pour les politiques et les techniciens de l'appréhender. Il y a bien eu des contacts avec des syndicats TLF, FNTR mais ils ne représentent pas l'ensemble de la profession. Dans le PDU, le volet transport est maltraité, c'est son maillon faible comme l'on dit populairement :

- de nombreuses pratiques

- une grande multiplicité des intervenants

- on se trouve en face à la problématique des objets roulants non identifiés mais encombrants

- le PDU ne s'intéresse pas au trafic de transit, il concerne le trafic interne et le trafic d'échange avec la zone urbaine de Lille.

M. Bouche est directeur commercial de l'entreprise de transports Rouch, cette société a pour partenaire la SNCF qui est l'actionnaire principal à 99 % des transports Rouch. Le but de la société est de faire circuler un train entier, c'est-à-dire 27 wagons. La société possède une flotte de camions qui sert à collecter les marchandises pour les amener aux sites de chargements ferroviaires : le delta trois à Dourges ou parfois Paris. Des lignes régulières ferroviaires sont alors empruntées comme Dourges Avignon Marseille , Dourges Toulouse Perpignan. La société possède 450 conteneurs et 60 tracteurs.

Monsieur Paul Astier demande si Dourges répond aux attentes. M. Bouche répond que la plate-forme multimodale de Dourges n'est utilisée qu'à 50 % de ses capacités. Dourges est déjà  une amélioration si l'on considère la gare de Saint-Sauveur qui était une hérésie urbaine : il était inconcevable de charger des trains en faisant passer les camions au centre de Lille. Dourges à une meilleure efficacité car des quais entiers sont dévolus à des destinations ce qui facilite grandement le chargement et la composition des trains.

M. Bouche s'inquiète parce que le plus combiné perd des parts de marché. C'est premièrement le résultat des mouvements sociaux qui rendent frileux la clientèle. C'est également la politique commerciale de la SNCF qui a réduit ses offres pour mieux remplir les trains existants. Les trains sont alors bondés ont pris de la perte de souplesse dans l'utilisation.

Le transport ferroviaire est forcément moins souple le transport routier calque ou suivre les lignes de chemin de fer. Quant un camion charge à Lille pour décharger à Bayonne s'il n'a pas de fret pour le retour, il n'est pas obligé de suivre exactement le chemin de l’aller, il peut changer de parcours et charger dans une autre ville pour éviter de remonter à vide. Pour un train cela est impossible, les liaisons transversales ne sont pas prévues. Dans le cas du combiné rail route, quand 27 wagons pleins partent de Lille pour Toulouse par exemple, il n'y aura pas assez de fret en partance de Toulouse pour Lille pour remplir tous les wagons. Il faut donc comprendre dans le prix de retour à vide des wagons inutilisés.

Sur l'axe Lille Avignon Marseille, le combiné rail route ne représentent que 10 % du trafic. La liaison Dourges Avignon possède le train le plus rapide qui roule à 160 km par heure. Mais c'est la rigidité du système qui est le plus grand frein d'exploitation.

Monsieur Paul Astier demande quelle est la part du trafic en provenance de Lille sur la plate-forme de Dourges. Monsieur Bouche l'estime entre 10 et 15 %, les Belges sont de grands utilisateurs de la plate forme delta 3 car il est plus facile et plus rapide de transporter la marchandise en camions d'Anvers ou de Zeebrugge jusque Dourges pour la charger sur un train que de composer un train en Belgique pour une destination française. On peut alors se poser la question si la localisation de delta trois à Dourges est pertinente, car nous avons de nombreux camions qui traversent la métropole lilloise pour rejoindre Dourges.

Monsieur Séhier a remarqué une forte saturation des parkings pour les poids lourds ces derniers jours. Monsieur Bouche explique que cela a une influence néfaste sur les conditions de travail des routiers : quota routier a atteint la limite légale de conduite il doit s'arrêter, mais si le parking est plein il doit poursuivre jusqu'à la prochaine aire de stationnement, et c'est ainsi que se trouve hors de la légalité.

Monsieur Paul Astier demande si le fait de passer par les services de LTCT sur delta trois au lieu de Novatrans à l'époque de la gare Saint-Sauveur a eu des répercussions. Monsieur Bouche a constaté une détérioration de la qualité des services : avec Novatrans une certaine souplesse était permise, on pouvait retarder un train de quelques minutes ce qui est impossible avec la rigidité de LTCT. Monsieur Bouche des pleurs également le manque de motivation et les dégradations sur les caisses : avec LTCT le client n'est plus entendu.

Monsieur Séhier a vu fonctionner le système polyrail où les remorques sont équipées de vérins qui permettent un chargement latéral rapide des wagons. Monsieur Bouche fait remarquer que cela oblige à transformer toutes les remorques. Est-ce judicieux ? De même qu'il existe de procéder MODALOR pour le ferroutage qui permet grâce à un système de plate-forme pivotante le chargement simultané des camions. L'avenir est-il à la « route roulante » ? Est-il économiquement viable de transporter les tracteurs avec les chargements ? Un tracteur est fait pour rouler par pour être transporté sur un train. Pourquoi mettre les chauffeurs des camions dans le train ? C'est du temps de travail perdu.

La véritable alternative à la route ne peut être que le combiné rail route. C'est une solution simple qui consiste à remplir un train qui partira en bloc à une destination et les marchandises seront ensuite réparties par des camions. Pour le client final ce qui lui rapporte c'est le prix et l'assurance que la marchandise arrivera destination en temps et en heure. De lui rapporte que cela transite par la route ou le rail, le prix est toujours le critère prioritaire.

Hervé Dizy questionne sur les limites physiques du transport ferroviaire. Monsieur Bouche répond qu'un train ne peut dépasser 750 m avec un poids maximum de 1300 t pour un gabarit maximum de 2,5 m de haut. Avec des wagons surbaissés nous pourrions arriver à des gabarits de 3 m ce qui ouvrirait de nouveaux marchés.

Monsieur Paul Astier demande le coût de transports d'une peine de marchandises entre Lille et Marseille. Monsieur Bouche répond entre 1150 et 1200 € la tonne. Quelle est la distance minimum de rentabilité du combiné rail route ? environ 700 km. Quelle est l'autonomie d'un camion ? en comptant que son réservoir peut contenir 1400 l de diesel pour une consommation de 35 l aux 100 km cela fait 4000 km.

Monsieur Bouche est de plus en plus inquiet pour le transport routier : avec l'arrivée des chauffeurs des pays de l’est sous-payés le pillage des camions sur les aires de parkings devient systématique. 50 % des camions de la société Rouch sont visités. Les chauffeurs ont une check-list pour vérifier qu'il ne manque rien au camion car des voleurs n'hésitent pas délester les camions stationnés de tout ce qui peut être emporté : roues de secours, carburant, etc.

Hervé Dizy fait état d'une dégradation des conditions de travail des chauffeurs routiers. En Allemagne depuis le mois de mai 2004 il y a une augmentation de 10 % des accidents de la route causée par les camions. Des pans entiers de l'économie liée au transport routier sont tombés : la restauration et l'hôtellerie sont inaccessibles pour les conducteurs polonais ou tchèques. Ils vivent en complète autonomie dans leurs camions ce qui vide les hôtels et restaurants.

Monsieur Bouche propose que l'on impose une taxe au kilomètre parcouru comme cela se fait en Allemagne. Avec un boîtier GPS, il n'est pas possible de tricher. Le système allemand n’est pas encore assez souple, il convient de l'améliorer car devoir déclarer une destination pour payer la taxe sans vraiment savoir si le trajet du retour sera identique à l’aller place parfois des routiers dans l'illégalité. Monsieur Bouche aimerait qu'une taxe soit assez dissuasive pour qu'au-delà de 500 km le combiné rail route devienne la seule solution économiquement viable.

Monsieur Paul Astier propose d'étudier la mise en place d'un péage urbain sur le poste de Reckem. Avec un péage de 10 euros l'effet serait assez dissuasif pour inciter les poids lourds à contourner la métropole au lieu de la traverser.

Quant aux lignes de chemins de fer inutilisées dans la métropole, il semble difficile de les réactiver car pour être économiquement viable il faut organiser un train de 27 wagons, le CIT de Roncq n'a pas cette capacité : charger un ou deux wagons ne fera transiter pendant un ou deux jours de gare en gare pour les accrocher un train complet. Il y a longtemps que la marchandise serait arrivée par la route. La seule solution est de transporter par la route de jusqu'à un train bloc.

 

propos recueillis par Hervé DIZY