Hélène FLAUTRE

 

    

                                           Présidente de la Sous-commission des Droits de l’Homme

 

 

 

 

 

 

M. Jean Aribaud

Préfet de la région Nord-Pas-de-Calais

Préfet du Nord

 

Arras, le 28 juin 2006

 

 

Monsieur le préfet,

 

Je vous remercie pour avoir bien voulu solliciter mon avis et mes remarques sur le projet d'autoroute A24 dans le cadre de la phase de concertation publique lancée au début du mois de mai et qui s'achève le 13 juillet prochain.

 

Je tiens à souligner très clairement mon opposition ferme à ce projet de nouvelle autoroute dans la mesure où il est destructeur pour l'environnement, inutile pour le désengorgement des axes routiers du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie et en contradiction avec la politique européenne des transports.

 

En effet, le Livre Blanc de 2001 a clairement érigé le développement durable comme fondement de la politique européenne des transports. A cette fin, l'UE a adopté différentes réglementations afin de rééquilibrer l'utilisation des différents modes de transport en maîtrisant le développement des modes les plus polluants, le routier et l'aérien, et augmentant l'utilisation des transports ferroviaire, fluvial et maritime. Le projet A24 ne répond pas à cet objectif de transfert modal dans la mesure où il propose uniquement de transférer du trafic routier sur le routier.

 

L'Union européenne a adopté en 2004 trente projets d'infrastructures prioritaires dans le cadre du réseau transeuropéen de transport qui relèvent majoritairement du ferroviaire ou du transport par voies d'eau. Les régions de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais sont d'ailleurs concernées par l'un de ces projets qui est le canal Seine-Escaut, qui vise à relier les ports du Havre et de Rouen et le bassin parisien au Nord de l'Europe. Il englobe sur son tracé le projet de canal Seine-Nord qui existe en France depuis des années et dont l'appui européen pourrait  permettre l'entrée dans une phase active de réalisation. Ce projet de développement de la navigation fluviale est bien davantage convaincant d'un point de vue écologique et plus économique que l'A24.

 

Il importe aujourd'hui, pour répondre aux défis énergétiques et climatiques, de développer des infrastructures de transport à l'échelle européenne qui soient le plus respectueuse possible de l'environnement en limitant au maximum la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Or, l'A24 ne répond à aucun de ces deux critères. Ce projet n'a aucune dimension européenne dans la mesure où il est une initiative unilatérale de la France, prise sans aucune concertation avec les autorités belges qui contestent d'ailleurs aujourd'hui le ralliement de l'A24 à l'infrastructure belge. Le commissaire européen chargé des transports, M. Jacques Barrot parle quant à lui d'enjeu local qu'il ne connaît pas lorsque l'on évoque devant lui le projet d'autoroute de l'Etat français. D'un point de vue infrastructurel, le projet A24 est donc invalide.

 

De plus la construction même de cette infrastructure sera nocive pour l'environnement. Ainsi, les différents fuseaux proposés pour l'A24 traversent des champs captants qui fournissent une grande partie des ressources en eau utilisées dans la métropole lilloise: l'approvisionnement en eau de la région est menacée par ce projet d'autoroute quel que soit le fuseau retenu. Les pollutions sonores et de l'air seront très fortes sur les populations situées sur le tracé, ce qui explique leur opposition forte à cette nouvelle autoroute qui représente autant de nouvelles dégradations pour l'environnement de notre région.

 

Enfin, d'un point de vue financier, ce projet est également problématique dans la mesure où les collectivités locales, Conseils régionaux du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, Conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais, refusent d'apporter leur concours financier. C'est donc une impasse financière qui s'annonce.

 

Le projet d'autoroute A24 est le symbole d'une politique à rebours des enjeux climatiques, énergétiques et environnementaux actuels. L'Etat français devrait s'engager, conformément à ses engagements européens, dans le développement de solutions alternatives au transport routier, à savoir le ferroviaire et le transport par voies d'eau.

 

Je vous prie d'agréer, Monsieur le préfet, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

 

 

 

Hélène Flautre