Hier soir à Arras, pour le second acte du débat public sur le
projet d’autoroute
LES séances de débat public consacrées au projet de
liaison autoroutière Amiens - Lille - Belgique se suivent et ne se ressemblent
pas. Mardi à Lille, les partisans de ce projet, que pratiquement tout le monde
continue d’appeler A24 par commodité, avaient marqué des points en rivalisant,
en temps de parole et en arguments, avec des opposants plus discrets qu’à
l’ordinaire.
Mais hier soir à Arras, le deuxième acte, en forme de seconde manche, a pris
l’allure d’une revanche dans une salle où les écologistes étaient majoritaires.
L’horaire était le même, l’affluence identique (150 personnes environ) mais la
tonalité radicalement différentes avec un grand nombre de questions globalement
hostiles au projet.
A Lille, la formule de Bruno Bonduelle voyant dans la liaison Amiens - Lille un
élément d’un axe Lisbonne - Stockholm avait fait mouche en donnant une autre
échelle au projet. Hier, l’image a été reprise par ses détracteurs pour servir
de repoussoir.
D’Henri Bailleul, pour les écologistes indépendants, à
Jean-François Caron, au nom des Verts, en passant par Jacqueline Istas, la
présidente de Nord-Nature, plusieurs voix se sont exprimées pour réclamer des
alternatives à l’autoroute en développant le rail et la voie d’eau. Les
responsables de l’Equipement, Michèle Joigny en tête, se sont évertués à
rappeler que l’un n’empêchait pas l’autre et que réaliser l’A24 n’interdisait
pas de faire Seine - Nord et de développer le ferroutage. Ce n’était pas l’axe
Lisbonne - Stock-holm qui faisait rêver hier soir mais plutôt la difficulté de
tenir les promesses des sommets de Kyoto et Johannesburg sur la protection de
l’environnement qui donnait des cauchemars.
Les projections de Jean Guinard, directeur régional de l’Equipement, faisant
état d’échanges dans le couloir Amsterdam - Lille - Paris passant de 320 à 580
millions de tonnes d’ici 2020, n’ont pas suffi à convaincre, pas plus que la
carte des autoroutes existantes pourtant revue et corrigée depuis la réunion
lilloise de mardi.
Dans la salle, on préférait évoquer « l’effet d’entonnoir » sur
l’agglomération lilloise, la protection des champs captants de l’Artois où «
on a plus besoin d’eau potable que d’autoroute » ou encore le spectre d’un «
tunnel à camions ».
Il a fallu attendre près de deux heures pour entendre des
arguments plus favorables au projet. Jacques Mellick a invité à « ne pas
opposer les modes de transport les uns aux autres » avant de plaider pour la
réalisation d’un barreau autoroutier entre l’A25 et l’A26. Le maire de Béthune
est partisan d’une stratégie des « petits pas » avec la mise à deux fois
deux voies de la liaison Béthune - La Bassée. Un responsable d’auto-école a
également plaidé pour l’autoroute au nom de la sécurité routière et de la
croissance des échanges. Un élu de Frévent et le responsable de l’office du
tourisme de l’Artois sud ont aussi réclamé la liaison rapide en faisant rimer
désenclavement et développement.
Dans la salle, le candide de service cherchait à savoir combien de participants
au débat étaient venus autrement qu’en voiture. Les adeptes lillois du TER
n’avaient mis que 40 minutes contre 1 heure pour les habitués de la « bagnole »
englués dans les bouchons. Mais ils sont repartis avant la fin pour ne pas rater
le dernier train.