EDA : contribution au débat public

par Mme Anita Villers présidente d'EDA (Environnement et Développement Alternatif)

Sommaire :

1 - réponse à la question posée 

2 – point de vue plus général

3 – constat à ce stade du débat.

 

 

1- réponse à la question posée

 

A t-on réellement besoin de la nouvelle liaison autoroutière

Amiens Lille Belgique au regard des objectifs de développement durable ?

 

 

Force est de constater qu’une fois de plus, au nom d’un hypothétique développement économique régional c’est la construction de voies autoroutières qui est proposée, repoussant à quinze ans toute éventualité d’une étude chiffrée concernant un transport par rail avec utilisation des voies ferrées existantes, adaptation  et création de matériel roulant aux containers pour des parcours longues distances. Cette alternative est toujours considérée comme extrêmement coûteuse, alors que pour le « bitume » l’utilisation de fonds publics à concurrence d’un milliard d’euro pour la seule LAALB ne semble pas poser de problèmes, tant son utilité est « probante ».

Quant à la voie d’eau, très utilisée chez nos proches voisins et déjà mise aux normes des grands gabarits, elle est à peine esquissée à l’horizon de trente ans. Elle est pourtant très présente dans notre région : utiliser l’existant en l’adaptant pourrait permettre des transports de proximité pour des activités telles que maraîchage ou concernant la gestion des déchets, ce qui délesterait déjà d’autant  les réseaux routiers et ce, à un moindre coût, face aux estimations liées à la réalisation de la LAALB .

A-t-on réellement chiffré les coûts des  autres modes de transports

pour des distances équivalentes ?

A–t-on réellement besoin d’une nouvelle infrastructure autoroutière pour le

développement économique, social et environnemental des Régions Nord/Pas de Calais/Picardie

Quelle Métropole voulons nous ?

Quel développement et pour qui ?

 

En terme d’analyse des besoins de mobilité….

 

- Le dossier considère qu’une augmentation du trafic routier est inéluctable durant les 20 années à venir. Comment pouvons nous en être si sûr ? Ne peut-on pas assister à une baisse du trafic routier durant les 20 ans à venir ? La pertinence des déplacements par camions restera t-elle évidente ? N’y aura-t-il pas de problèmes de dépendance énergétique ? de pollution aggravée des rejets dans l’atmosphère conduisant à la nécessité absolue d’une alternative à la route ?

 

- Les flux de marchandises transportées depuis un an ont tendance à diminuer (conjoncture économique défavorable). Les projections néerlandaises concernant le recours à l’avion de façon beaucoup plus massive (low cost), pour des motifs nouveaux (loisirs, achats, aller et retour durant la journée…) viennent contredire les simulations du maître d’ouvrage quant à l’augmentation du trafic routier. Le dossier du débat public n’évoque aucun scénario intégrant une stagnation du trafic voire une diminution du trafic routier, même si les croissances de trafic sont considérées par les services de l’Equipement comme modérées.

 

- Par ailleurs, afin de « maîtriser le développement du trafic routier » il existe des mécanismes de régulations qui pourraient être étudiés par le maître d’ouvrage et qui ne figurent pas dans le dossier. (Droits de péage sur le corridor plus importants (qui commencent d’ailleurs à se mettre en place en Allemagne), taxation CO2, MKW Maut (Même si les difficultés techniques de mise en œuvre sont nombreuses...). Une étude complémentaire est nécessaire.

 

En terme d’infrastructure …

- Un axiome énoncé par l’INRETS (Institut National de Recherches sur les Transports et leur Sécurité) dans de nombreuses études : « Toute création ou renforcement d’infrastructures routières génèrent un trafic routier supplémentaire » renforce notre position

Cette augmentation n’irait pas dans le sens d’une stabilisation de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2008-2012 (Engagement de la France à Kyoto), et ne répond donc pas à cet objectif environnemental du développement durable. Pour les autres polluants classiques, si l’on se réfère aux projections du Ministère en charge de l’Equipement (le maître d’ouvrage), les progrès technologiques sur les véhicules permettront une baisse effective des émissions de CO, Nox, Particules malgré l’augmentation de trafic mais à quels coûts ?

- Le renforcement du réseau routier tend à marginaliser économiquement les autres modes de transport plus respectueux de l’environnement et moins énergivore (fer, voie d’eau) et localement fait concurrence au projet DELTA 3, investissement sur fonds publics qui n’atteindra pas ses objectifs ambitieux de valorisation d’inter modalité.

            La LAALB contribuera à rendre encore plus marginaux les modes de transports collectifs ou massifiés (G Dupuy – la dépendance automobile - 2001), et par conséquent ne répond pas aux objectifs de développement durable ni aux objectifs du Schéma Directeur d’Aménagement Urbain (doubler l’utilisation des Transports en Commune intra muros, du fait d’une circulation plus fluide n’incitant plus à les emprunter, les camions ayant été repoussés plus loin). Le maître d’ouvrage affirme que la LAALB , Seine – Nord et l’axe ferroviaire Nord- Sud ne sont pas concurrents, et que les études relatives à ces projets doivent donc être distincts. Or  les modes de transport sont concurrents : il suffit pour cela d’interroger les chargeurs. Au regard de ce constat, le rapport du débat public doit absolument présenter différents scénarios intégrant l’ensemble des modes de transports (route, fer, voie d’eau).

            Pour l’instant, le rapport nous présente une solution : la LAALB : il serait intéressant, pour éclairer le public, de disposer d’un scénario référent

- sans LAALB (cf. page 77)

- avec LAALB (page 77)

- avec Seine – Nord

- avec une autoroute ferroviaire entre Lille et Paris.

- Une évaluation objective et chiffrée de l’impact environnemental et effet de serre des différents scénari est nécessaire. L’empreinte écologique des différents scénari pourraient être à cette occasion également calculée.

- La LAALB  nécessitera, dans l’hypothèse avancée par le maître d’ouvrage, la construction d’autres infrastructures routières, de portée plus locales (liaison Douai-Orchies-Tournai, contournement Sud-Est de Lille – liaison Nord vers Armentières et la RN58 vers la Belgique). Ces projets « connexes »  devraient non seulement faire l’objet d’une évaluation environnementale mais en ce qui concerne la liaison Nord, il n’a pas été fait encore d’enquête sur les intentions belges en la matière.

Dispose t’on aujourd’hui de l’avis de nos voisins Belges quant aux

connexions éventuelles de la LAALB avec leurs réseaux ?

 

En terme de développement durable des territoires…

- L’étalement urbain des métropoles est à l’origine d’une augmentation très importante des émissions de polluants et de gaz à effet de serre dans le domaine des transports

 Le dossier du débat public parle de « maîtriser la périurbanisation » en renvoyant la responsabilité de cette maîtrise aux élus locaux (PLU), mais n’y a-t-il pas réellement risque d’étalement urbain le long de la LAALB ?

- La création de la LAALB contribuera t-elle au développement économique des territoires ?

Si l’on se réfère aux projections du livre blanc sur les transports de l’Union Européenne (Septembre 2001), le découplage entre croissance des transports et croissance économique est une impérieuse nécessité. L’absence de réflexion et d’action en la matière pourrait mettre en péril notre système économique. Les coûts d’entretien, de création des infrastructures de transport à l’échelle de l’Union ne sont plus supportables. La commission Européenne préconise le recours au Short Sea Shipping pour lequel les coûts d’infrastructure sont très faibles.  

Dispose-t-on aujourd’hui de l’avis de la Commission Européenne sur la LAALB?

 

A ce stade du débat public, il semble que l’on reste essentiellement attachés à la recherche de solutions avec des arguments et propositions qui répondent uniquement à des exigences DE COURT TERME pour un ESPACE RESTREINT  (régional) finalement au regard de l’Europe.

 

Or, le problème essentiel, fondamental n’est toujours pas  évoqué

 

1- est-on prêt à  accepter un véritable changement culturel

2 - est-on prêt à modifier radicalement nos comportements

3 - est-on en capacité d’accepter le fait que nous sommes en train de faire « fausse route »

4 – est-on en capacité de prendre conscience des failles de notre système économique :de nombreux indicateurs mondiaux nous montrent qu’il est temps de réduire les inégalités si l’on veut éviter les crises majeures

5 - est-on prêt à se donner du temps pour réfléchir au problème crucial que pose  la mobilité en général mais surtout le transport de marchandises

6 – est-on prêt à envisager une réelle coopération internationale à l’échelle européenne ?

 

Au moment justement où l’Europe s’agrandit, n’est-il pas temps de se donner l’opportunité de poser les vraies questions à propos d’une NECESSAIRE logique du transport marchandises. Le développement économique de tous les pays concernés est-il tributaire de la quantité de marchandises devant circuler depuis le Nord de la Pologne jusqu’au Sud du Portugal ?

 

Quelles sont ces marchandises ? leur transport est-il nécessaire,  urgent ?

les déchets représentent en France 30% du trafic routier !

Avec l’arrivée des Pays de l’Est, le trafic devrait encore augmenter nous dit-on : ce n’est pas parce que le territoire est vaste qu’il faille obligatoirement le parcourir de bout en bout ou surtout déplacer les activités selon les opportunités locales les plus adaptées là où il y a davantage de tolérance du point de vue main d’œuvre et impact sur l’environnement local ici ou là et ce pour quelques années seulement laissant ensuite des friches inoccupées  des décennies durant (exemple local : la friche chimique  Kuhlman à Wattrelos et les rejets dans la rivière L’Espierre toujours pas « réhabilitée car laissée à la charge des collectivités)

- Enfin, le temps…

Le temps est une composante essentielle du développement durable, chaque action menée dans ce cadre répond certes aux besoins du présent mais également aux besoins des générations futures. On sait très bien que les infrastructures de déplacement ont une influence déterminante pour une centaine d’années sur un territoire donné.

N’est-il pas temps d’inverser totalement la tendance et de commencer réellement à favoriser  l’alternative routière ? La volonté politique pour consacrer enfin les fonds nécessaires à un réel changement va-t-elle enfin se manifester pour franchir une étape que nos voisins immédiats ont déjà anticipée ?

 

CONCLUSION :

 

Il nous faut donc nous exprimer avec d’autant plus de vigueur et de conviction que nous craignons d’assister à la négation de tout ce qui nous semblait acquis car adoptés au sein du Schéma Directeur d’Aménagement Urbain :

-          la volonté de respecter les objectifs de Kyoto (et l’on sait pertinemment que les transports sont responsables de la dérive des objectifs que nous devions atteindre)

-          la volonté de doubler l’utilisation des Transports en commun en Métropole et au delà

-          la volonté de travailler à la conception de villes denses, réhabilitant les quartiers dégradés en haute qualité environnementale, offrant des espaces paysagers à la place de parking intra muros, offrant des relais en périphérie pour faciliter l’accès aux transports en commun

-          la nécessité de taxer l’énergie plutôt que le travail

 

La Région Nord Pas de Calais, la Picardie ont l’ambition de devenir un carrefour européen… certes, mais les conséquences néfastes à long terme qu’une telle démarche va faire peser sur les populations qui en supporteront les nuisances au niveau qualité de l’air,  ruissellement des eaux,  dégradations des sols, perte d’espaces agricoles particulièrement riches etc… ont-elles été identifiées ? évaluées ?? notre développement local est-il uniquement tributaire d’une liaison autoroutière de plus ? n’est ce pas réducteur comme approche ?

nos questions demeurent plus que jamais posées

 

-          est-il nécessaire de transporter autant de marchandises sur tout le territoire européen ?

-          pourquoi décharger l’essentiel des marchandises à Rotterdam et traverser toute la France alors  qu’ il existe de nombreux ports en méditerranée et le long de l’atlantique ?

-          combien de temps pourrons nous encore gaspiller autant d’énergie ?

-          le développement de la Métropole est-il lié exclusivement au transit de marchandises ? 

-          développer des filières de proximité cela ne correspond-il pas davantage  aux réels besoins des habitants de la Métropole  ?

-          quel développement voulons-nous et pour qui ?

 

 

Grâce à la richesse du présent débat, proposer aux membres de notre gouvernement de porter de tels enjeux au parlement européen pour adopter à ce niveau des solutions pour harmoniser l’ensemble des déplacements européens constituerait une réelle ambition: on sait très bien que c’est autour des axes et modes de déplacement que s’articule un territoire… c’est à ce stade seulement que les options rail/voie d’eau  pourront enfin prendre toute leur mesure (nos voisins immédiats ont d’ailleurs largement anticipé la réflexion et surtout la concrétisation d’alternatives à la route probantes)

C’est l’aménagement à venir de régions européennes entières qui est en cause  et donc la qualité de vie de l’ensemble des Européens qui sont quand même les premiers concernés par des décisions à long terme concernant leur environnement quotidien.

Nos diverses rencontres montrent que  nous sommes tout à fait en capacité d’apporter des solutions adaptées à un réel développement durable pour tous. Il serait dommage que les arguments couramment entendus en faveur de ce projet continuent d’éviter de se poser les vraies questions et les repoussent encore par manque de lucidité, mais surtout de solidarité envers les Pays les plus démunis : oui il est  difficile d’accepter de changer.

Ce débat nous donne l’occasion de nous situer au moins à ce niveau de décision et selon les orientations prises dépendra l’avenir de la Planète entière puisque nous sommes tous responsables de nos comportements et solidaires des générations à venir.

 

                                                                                  association EDA        nov/déc. 2003.